Brodeck, on l’a vu dans le tome précédent, habite dans un village dont il n’est pas originaire. Une bourgade retirée, dans une forêt de grands arbres sombres et tristes hivers glacés. Ses habitants, les hommes surtout, sont rudes. Ils supportent cet étranger et les deux femmes qui l’accompagnent, dont son épouse, sans les considérér comme des leurs. Lorsque le village, pendant la guerre, est envahi par les soldats, il est quasiment le seul à être arrêté et expédié dans un camp où pendant deux ans il subit les pires sévices. Quand il en sort, il reprend son activité administrative en contact avec les autorités. Beaucoup de choses se sont passées. Le climat du microcosme est lourd, et l’arrivée d’un ˝autre˝ étranger, l’Anderer, bizarre, taiseux, artiste, dont le séjour se prolonge, met les nerfs à vif. La peur et la rumeur poussent les hommes à tuer l’intrus. Tout naturellement, Brodeck, qui en était exclu, est désigné pour rédiger un rapport administratif sur cette affaire. Le premier volume était splendide. Ce second tome est tout aussi exceptionnel. Le rapport est l’occasion d’enquêter sur la période écoulée, permettre au lecteur de comprendre les événements, et découvrir lentement l’épouvantable vérité sur des personnalités primaires entraînées dans des pulsions collectives où se mêlent peurs, culpabilités et intérêts les plus vils. On n’oubliera pas l’évocation des forces capables de rendre une communauté criminelle, ni du besoin d’un bouc émissaire pour exorciser les actes de folie. Le récit, qui suit fidèlement le plan du roman déjà très sombre par lui-même, est renforcé par le graphisme de Larcenet. Avec des encrages d’un noir intense, éclairés par le blanc de la page, il joue sur l’opposition brutale N&B pour exprimer la dureté des situations. Par contre il sait aussi obtenir de sensibles clair obscur grâce à des traits de plume d’une grande finesse, réussissant à exprimer de la délicatesse dans les visages rustiques ou les paysages ombrageux.(Br.A. et P.P.) (source : les-notes.fr)